Rencontre dans le marché noir [Aerandir, Sunaï]

Sunaï venait d'arriver dans le quartier marchand de la cité dans le but de s'acheter de nouveaux vêtements et de voir s'il y avait des objets en vente qui pouvaient l'intéresser. La place était bondée ; après tout, ce quartier était réputé pour son énorme commerce qui faisait des heureux. Enfin, souvent, il arrivait que des gens se fassent anarquer... Avec tous les brigands qui pouvaient traîner dans les parages...
Sunaï s'arrêta devant plusieurs commerçants qui ventaient les mérites de leurs produits mais ne trouva rien qui lui plaisait. Elle soupira. Si cela continuait, elle allait devoir rentrer bredouille... Une main sur son épée, elle continua sa marche. Des enfants couraient en riant dans la rue et bousculaient plusieurs passants tandis que d'autres regardaient avec envie des objets sur une étagère.
Après être passée devant un grand étalage de bijoux, Sunaï aperçut une petite ruelle qui était complètement dans l'ombre, tellement reculée que personne ne semblait la voir. Sunaï décida de s'y engouffrer ; peut-être y trouverait-elle des choses intéressantes ? La ruelle était assez sale ; des restes de nourriture traînaient dans un coin, un liquide ruisselait quelques pas plus loin (Sunaï ne voulait pas savoir ce que cela pouvait être).

- Bon... C'est complètement désert ici...

Sunaï se retourna pour faire demi-tour lorsqu'elle entendit un bruit retentissant derrière elle, comme un seau vide que l'on fait tomber par terre. Elle se retourna, une main sur la garde de son épée. Quelqu'un était là ?

Sunaï plissa les yeux pour essayer de mieux voir la ruelle malgré l'obscurité. Une silhouette s'était approchée rapidement, et Sunaï en déduit que c'était un humain grâce à la forme de l'ombre. Elle se redressa enfin lorsqu'elle put voir la personne de toute sa hauteur : un jeune garçon encapuchonné. Des méches de ses cheveux blancs dépassaient de sa capuche et ses yeux rouges ressortaient sur son visage. Sunaï fut à moitié soulagée, ce n'était pas un fou furieux en fuite. Quoique... Elle ne pouvait pas savoir, après tout... Elle remarqua qu'il était blessé au flanc : ses vêtements étaients tâchés de sang. Qu'est-ce qui avait bien pu lui arriver ? Une attaque ? Les yeux rouges du garçon la mettaient mal à l'aise.

* Il faut que je fasse attention... Il n'a pas l'air commode et je ne sais pas d'où vient sa blessure...*

Elle n'avait pas envie de s'attirer des ennuis et avait la désagréable impression qu'elle allait en avoir. Le seau d'eau que Sunaï avait entendu tomber roula jusqu'à eux, comme s'il voulait briser le silence. Le garçon aux cheveux blancs parla alors :

- Ne vous inquiétez pas ici il y a seulement un marchand d'armes dont la place au marché noir ne fait que d'être refusée.

Sunaï ne répondit pas de suite. Le garçon sortit un étalage d'armes de la pénombre et Sunaï put en admirer de toutes sortes. Il ne pouvait pas vendre ces armes, alors ?

- Vous avez pourtant de très bonnes armes en vente d'après ce que je vois...

Sunaï désigna quelques épées. Mais elle était toujours curieuse concernant sa blessure ; comment s'était-il blessé dans cette ruelle ? A moins d'être stupide comme son compagnon de voyage, elle ne voyait pas comment il avait pu faire son affaire... Mais après tout, cela ne la regardait pas. Sunaï secoua la tête pour chasser ses pensées.

- Oui j'en ai de bonnes armes faites de ma main et d'autres que j'ai achetées où trouvées, mais le seul problème, c'est que le gérant du marché noir ne veut pas me laisser une place sur son marché noir, du coup j'attends chaque jour dans cette sombre ruelle qu'un passant ou un acheteur vienne.

La garçon avait parlé avec assurance. Sunaï fut étonnée de ses propos : il avait l'air d'avoir un bon caractère pour vendre ces armes, qui étaient d'ailleurs très bonnes ; alors pourquoi personne ne voulait de lui ? Le gérant perdait de gros bénéfices en lui refusant une place sur le marché ! Enfin bon, parfois les gens prenaient des décisions stupides et insensées...
Le garçon fouilla quelques instants dans son stock et en sortit un katana elfique où étaient gravés des signes. Il lui fit remarquer qu'elle était sa première cliente et lui parla de l'arme ; elle lui avait été donnée par des elfes et il voulait savoir ce que signifiait les signes gravés dessus. Malheureusement pour lui, Sunaï ne lui était d'aucune aide ; elle ne savait pas déchiffrer le langaga elfique. D'ailleurs, elle aimerait bien pouvoir avoir quelques connaissances dans ce domaine-là, il faudrait qu'elle s'y mette. Le garçon la sortit de ses pensées :

- Vous devez sûrement vous demander d'où vient cette blessure que j'ai car vous n'arrêtez pas de la regarder, et bien elle vient tout simplement d'une bagarre amicale...

Il ajouta qu'il avait été confronté à des gardes. Sunaï fut encore plus troublée ; à vrai dire, elle ne comprenait pas l'entêtement du gérant de marché devant la demande de ce garçon. Et puis il devait être assez fort et rapide pour s'en être tiré avec une simple plaie au flanc devant plusieurs gardes... Mais cela ne la regardait pas, comme elle se l'était déjà dit, et puis elle avait autre chose à faire que de s'occuper de quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. Le jeune encapuchonné partit ensuite panser sa blessure sans la regarder. Sunaï, elle, continua d'observer l'étalage. Il y avait de bonnes armes en vente, dont le katana qu'il venait de lui montrer, mais elle était pour l'instant trop attachée à sa propre épée pour pouvoir en utiliser une autre. Après tout, son arme avait appartenu à son père alors elle ne s'en débarasserait pas facilement. Cela serait donc du gâchis de prendre une quelconque arme maintenant... Quoique... Un petit quelque chose pour taper son compagnon de voyage Arthadel ne serait pas de refus ! Cela lui remettrait les idées en place lorsqu'il ferait des choses stupides ! Elle continuait de réfléchir puis ajouta à l'intention du vendeur d'armes :

- En tout cas, je vous conseille d'aller vendre vos armes ailleurs, je ne pense pas que beaucoup de clients vont venir s'aventurer ici... Vous risquez de ne rien vendre du tout... Vous ne connaissez pas un autre endroit pour faire vos affaires ?

Sunaï s'approcha de l'étalage et attrapa une sorte de massue à piquants. Tiens... Cela pourrait être intéressant ! En tenant cette massue, elle fit glisser le katana elfique mais le rattrapa à temps. Une idée germa alors dans son esprit.

- Je suis mercenaire et en ce moment je n'ai pas vraiment de mission à proprement parler. Si cela vous intéresse, je peux essayer de trouver quelqu'un pour déchiffrer vos gravures, parce que moi-même je n'y connais rien... Et si vous voulez, je peux également vous trouver une place sur le marché. Bien sûr, cela ne sera pas gratuit, mais étant donné que vous êtes sans le sou pour l'instant, je pourrais attendre...

Sunaï attendit la réponse du garçon en reposant le katana à sa place.

- Ben voyons... et puis pour le moment je ne tiens pas à me séparer de mon katana... Je pense que je vais vous dire pourquoi le gérant ne veut pas de moi sur le marché noir, pour la simple raison que je suis un hybride. Alors pensez-vous bien que si le gérant du marché noir ne veut pas de moi sur le marché, qui le voudra.

Sunaï fut étonnée de ce qu'il venait de dire. Maintenant qu'elle le savait, Sunaï remarqua des bosses sur son capuchon, sûrement causées par ses oreilles. A vrai dire, elle ne comprenait pas le comportement de la majorité des hybrides ; certes ils étaient différents mais ils ne l'étaient pas plus que les elfes ou les démons. Et puis, y avait-il vraiment une "normalité" ? Donc le fait que la plupart se renferment sur eux-même à cause de ces différences, Sunaï trouvait ça vraiment dommage. Bien sûr, il y avait beaucoup de gens qui les détestaient et les évitaient, c'en était la preuve avec ce gérant qui refusait de l'embaucher, mais ce n'était pas une raison pour rester cloitré sur soi-même.

- Le fait que vous soyez un hybride, je m'en fiche complètement, je ne vois pas en quoi cela changerait ma proposition. Si vous voulez vous faire une place dans ce monde, il faut savoir assumer ce que l'on est et ne pas rester sans rien faire en attendant que cela passe.

L'hybride, visiblement convaincu par ses paroles, lui offrit la massue et la suivit sans discuter. Une fois sa surprise passée, Sunaï lui emboita le pas et sortit de la ruelle pour retrouver la grande allée où les marchands faisaient toujours leurs affaires en braillant des offres. En fait, elle ne s'était pas attendue à ce qu'il se laisse convaincre si facilement, il avait pourtant l'air d'être plus têtu que ça. Le plus gênant pour elle était qu'il l'accompagne : elle avait l'habitude de mener ses missions seules. Elle avait déjà mené des missions avec des personnes, mais ils devaient l'aider ou lui montrer un quelconque chemin ; jamais quelqu'un à qui elle devait une mission ne l'avait encore accompagnée. Elle ne savait donc pas encore par où commencer, mais elle s'en accomoderait bien assez vite ; elle savait s'adapter dans chaque situation. Elle continua donc sa marche en silence à travers la rue, vérifiant de temps à autre que le garçon était toujours derrière elle. Elle nota qu'il avait remis sa capuche.
Les marchands s'étalaient sur toute la longueur de la rue et occupaient tous les espaces possibles. La jeune femme repéra bien quelques emplacements potentiels pour l'hybride, mais pour l'instant, tout ce qu'elle avait remarqué était trop petit et elle supposait qu'il avait quand même pas mal d'armes en sock. En plus, il fallait trouver quelqu'un qui accepterait l'hybride avec joie. Sunaï était persuadée de pouvoir trouver quelqu'un qui ferait outre les origines. D'un oeil critique, elle observait tous les vendeurs et surveillait leurs comportements : certains étaient trop arrogants, d'autres trop timides et semblaient être ici par obligation, ou d'autres encore qui ne regardaient même pas leur étalage et s'intéressaient plutôt à leurs affaires personnelles en attendant un client. Dans ses pensées, la mercenaire ne fit pas attention à une petite fille qui couraient vers eux en sens inverse et faillit la percuter en plein milieu de la rue. Elle réussit à l'éviter ; cependant, la petite, elle, effrayée, était tombée par terre, le nez dans le sol. Sunaï remarqua qu'elle serrait une pomme dans sa main. Un homme robuste se détacha alors de la foule en vociférant contre la fille, qui, apparemment, avait poursuivi la petite jusqu'ici. Si la mercenaire avait bien compris, il venait de se faire voler une pomme et cela le mettait dans tous ses états. Il continua à beugler contre la petite en pleurs et l'attrapa par le col de sa robe avec violence. Sunaï, obliant momentanément sa nouvelle mission, fit lâcher prise à l'homme avec force en lançant entre ses dents :

- Récupérez-la, votre pomme ! Pas besoin de martyriser cette enfant !

La mercenaire ne comprenait que trop bien ce que pouvait ressentir la fillette, elle-même ayant volé plus que de raison lorsqu'elle était gosse pour pouvoir se nourir. Sunaï ne savait pas si l'hybride était encore derrière elle, ni ce qu'il faisait.
Alors, tandis qu'elle tenait toujours la fillette en possession de la pomme hors de portée de l'homme, une femme plutôt âgée arriva à grands pas, l'air furieux.

- Tu n'as pas honte, Rianir ! Cette petite voulait simplement une pomme ! Est-ce trop te demander d'offrir quelque chose ?

- Si on commence à offrir des choses à tout-va, c'est tout notre marché qui tombe en ruine, retiens-ça, pauvre vieille ! répliqua sèchement ce Rianir.

- Eh bien va retourner faire tes affaires, espèce d'avare indécrottable.

La vieille femme lui lança quelques pièces de monnaies, sûrement le montant de la pomme, et l'homme finit par partir, mécontent. La vieille, quant à elle, s'agenouilla près de la fillette sans faire attention à Sunaï :

- Garde cette pomme, je te la donne. (Elle murmura ensuite pour elle-même, comme si personne ne pouvait l'entendre : ) Si j'étais responsable de ce vieil aigri, il serait déjà à la porte. Bon, je dois retourner à mes affaires, maintenant.

Sunaï, une idée soudain brillante en tête, regarda la petite partir en bredouillant un merci. Si elle avait bien interprêté ce qu'elle venait de voir, cette vieille femme était une vendeuse, et semblait avoir le profil parfait pour accueillir un hybride dans son marché. Elle avait l'air de pouvoir donner sa chance à n'importe qui. Bien sûr, Sunaï n'avait aucune idée si ses suppositions étaient vraies : il ne fallait jamais se fier aux apparences, après tout. La vieille avait peut-être eu accès de bonté qui ne faisait pas parti de son comporement habituel. En tout cas, qui ne tente rien n'a rien, n'est-ce pas ? La mercenaire s'avança, déterminée, vers la femme, qui venait seulement de la remarquer :

- Excusez-moi d'une demande si brusque, mais j'aimerais savoir si vous pouviez laisser un jeune homme faire ses affaires sur une partie de vos emplacements. Il aimerait commencer à vendre ses marchandises et...

Sunaï s'interrompit, cherchant des yeux l'hybride. Peut-être valait-il mieux qu'il explique tout ça lui-même, cela ferait sûrement meilleure impression s'il montrait qu'il était motivé et quelqu'un de clean. Et puis, ce n'était pas à elle d'annoncer qu'il était un hybride. Vu qu'il était avec elle, cela serait sûrement plus facile de convaincre quelqu'un de le laisser travailler... En tout cas, elle espérait que la réponse de la vieille serait positive, bien qu'elle considérerait ça comme un miracle de trouver une place pour l'hybride si vite ; elle n'était pas une déesse non plus ! Mais la chance serait peut-être avec elle ?

Eh bien non, la chance n'était pas avec elle. Tout s'était passé à une vitesse hallucinante. Lorsque Sunaï était en train de parler avec la vieille femme, l'objectif de trouver un travail à l'hybride bien en tête, une foulée de garde se montra, visiblement alléchés par l'idée d'éliminer le vendeur d'armes. Encore un problème, donc. La mercenaire réagit vite : elle se tourna vers le garçon, mais celui-ci n'avait pas perdu de temps pour lui attraper le bras et l'entraîner dans une autre ruelle. Cependant, les gardes étaient très déterminés, malgré le fait qu'un des leur ait été assassiné sous leurs yeux on ne savait comment, ce qui était assez louche, et les poursuivirent à travers la rue. Sunaï ne savait pas ce que l'hybride leur avait fait pour les mettre dans un tel état, mais en tout cas, ils ne voulaient pas l'attraper pour le féliciter, ça c'était sûr. La jeune femme finit par s'arrêter au croisement d'une autre rue, se retournant pour voir leurs poursuivants. S'ils continuaient à fuir de cette façon, ils n'allaient jamais en finir, et cela allait être pire si les gardes appelaient des renforts. Ceux-ci étaient sûrement habitués aux opposants, ils travaillaient sur le marché noir, après tout : c'était un des endroits les moins sûrs au monde, grouillant de malfrats en tout genre. Bref, sa décision prise, Sunaï prit son épée entre ses mains, et lança derrière son épaule, à l'intention de l'hybride :

- Je ne sais pas ce qu'il en est de vous, mais moi j'ai bien l'intention d'arrêter ces hommes, ils ne vont jamais nous lâcher !

Reprenant peu à peu son souffle, elle rangea finalement son épée pour faire apparaître son arc - arme qu'elle utilisait très peu, elle venait de le remarquer. Visant avec le plus de précision possible, elle lâcha une flèche qui atterri dans la poitrine d'un des hommes, qui s'écroula à terre en laissant échapper un glapissement de douleur. Les autres attaquants, eux, avaient profité de cet instant pour lancer quelques poignards en sa direction. Les évitant de justesse, la mercenaire finit par se retrouver face à face avec leurs traqueurs, mais ceux-ci l'évitèrent royalement pour se lancer contre l'hybride. Vexée, Sunaï se retourna pour poursuivre les hommes. Etrange retournement de situation : elle était passée de poursuivie à poursuivante. Ce qui avait ses bons côtés, finalement !
Mais avant qu'elle ne puisse exploiter les avantages de sa situation, une porte s'ouvrit avec force sur un côté de la rue, renversant au passage un garde qui s'écrasa contre le mur.

- Holà !

Une grande femme surgit dans l'encadrement de la porte et fusilla la scène des yeux.

- On ne se bat pas devant chez moi !

Un garde ne se préoccupa pas d'elle, lui crachant aux pieds, pour continuer à se rapprocher du vendeur d'armes. Visiblement énervée qu'on ne l'écoute pas, mais surtout qu'on lui crache dessus, la femme shoota avec une violence étonnante dans le ventre du scélerat. Sunaï cligna des yeux. ... Hein ?
Le monde était vraiment étrange. Un homme grand et robuste pouvait avoir la force d'une fourmis tandis qu'une femme maigrelette pouvait vous mettre au tapis en quelques secondes. Le pire, c'était que l'allure de cette femme pourrait effrayer n'importe qui ! ...Qui était-elle pour considérer qu'une bagarre devant chez elle était pire que tout ?

Malgré le fait que la femme ait arrêté plusieurs hommes, quelques uns d'entre eux réussirent à poursuivre le marchand d'armes à travers les rues. Sunaï allait se mettre à leur poursuite pour retrouver l'hybride lorsque la femme se posta devant elle, l'air menaçant. Apparemment, cela ne la dérangeait pas que les gardes aient fini par s'enfuir, par contre, elle voulait arrêter la mercenaire. Celle-ci jura mentalement. Où était passé le temps où elle faisait ses missions tranquillement, sans un problème à l'horizon ? Il était parti loin, visiblement. On aurait dit qu'elle avait été maudite par une sorte de destin morbide qui s'acharnait, inlassablement, contre elle. Ou alors, la jeune femme se faisait tout simplement des idées, et la personne devant elle n'avait rien contre elle, et voulait tout simplement la regarder de plus près. Dans tous les cas, cela revenait au même : les secondes passaient et l'hybride était peut-être déjà loin...

- Je ne vous conseille pas de les suivre, cela ne ferait que vous attirer des problèmes, dit alors la femme qui était sortie de la maison quelques instants plus tôt. Cela ne vous apportera que des ennuis, c'est moi qui vous le dit. Je ne sais pas pourquoi vous faites ça, mais vous n'avez pas l'air stupide, alors déguerpissez. Surtout que la personne avec qui vous étiez ne semble pas très... abordable.

Sunaï leva un sourcil. C'était la première fois qu'une inconnue lui disait ce qu'elle devait faire de cette façon. Que savait-elle de l'hybride en plus ? Rien. Que savait-elle d'elle ? Rien. Bon, c'est vrai qu'une mercenaire et un marchand d'armes en cavale de la sorte, ne devait pas donner une bonne impression, mais ce n'était que les apparences, n'est-ce pas ? Ils n'avaient pas l'intention de se mettre dans le pétrin jusqu'au cou, leur seul but était de trouver une place acceptable sur le marché pour l'hybride et le tour était joué. Que demander de plus ? Ce n'était pas avec ça qu'ils allaient avoir de si gros problèmes... Concernant les mots elfiques sur l'arme du garçon, ce n'était pas pour aujourd'hui ; leur priorité était un emplacement sur le marché. De toute façon, en général, les elfes ne se promènent pas dans le "monde d'en bas", comme ils diraient, eux qui ont leur territoire dans les cieux et qui ne descendent que rarement de leur cité. Il faudrait d'abord entrer en contact avec quelqu'un qui connaisse un elfe pour qu'ils puissent par la suite vraiment en rencontrer un qui voudrait bien leur traduire les runes. A moins qu'ils ne tombent sur un elfe directement, par un pur et simple coup de chance, ce qui l'étonnerait fortement.
Sunaï fit le tour de la femme pour pouvoir partir, et celle-ci ne fit rien pour l'arrêter. Elle semblait penser qu'elle ne pouvait plus rien faire. Marchant vers le bout de la rue, la mercenaire finit par répondre, après avoir réfléchi si elle parlerait ou non :

- Merci de vos conseils, mais je suis... comment dire... dans l'obligation de ne pas les écouter.

L'aventurière partit alors en courant dans la direction qu'avait pris l'hybride quelques instants plus tôt, les gardes à sa poursuite, laissant la femme seule dans la rue. Etait-il loin désormais, ou n'aurait-elle à faire que quelques mètres pour le retrouver ? Elle se demanda si les gardes l'avait rattrapé ou non. Peut-être que oui ; c'était très possible, après tout elle ne le connaissait pas, et elle ne savait pas non plus si il avait une quelconque expérience en matière de combat. Elle espérait qu'il savait quand même se battre au minimum, sinon il n'avait aucune chance de tenir un stand d'armes, avec tous les voleurs et autres brigands sur qui il pouvait tomber !
Sunaï courait toujours le long de la rue, et durant de longues minutes, elle ne vit rien. L'hybride était vraiment parti si loin ? Pour l'instant, elle n'était pas tombé sur une seule intersection. Etait-il rentré dans une des rares portes qui menaient probablement à des habitations ? Elle s'arrêta et regarda derrière elle, tout en tendant l'oreille. Non, il n'y avait pas un rat, pas même un seul bruit qui montrerait que quelqu'un aurait pénétré dans une des bâtisses. On pourrait même entendre le vent souffler dans la ruelle. Elle repartit alors dans sa course. Au bout d'une minute environ, elle arriva à une intersection. Cependant, la question de savoir où était parti l'hybride ne se posa même pas : deux gardes qui l'avaient poursuivis étaient tous les deux pris dans des pièges, morts, apparemment. Finalement, si, la question se posait : la marchand d'armes pouvait très bien être parti tout droit ou à droite, même s'il avait posé des pièges à ces endroits. Sunaï n'eut pas le temps de réfléchir plus longtemps, cependant : le dernier garde, qui ne s'était pas pris dans un piège, sorti d'elle ne savait où, se jeta sur elle dans l'intention de la poignarder avec une petite dague. Heureusement, Sunaï réagit à temps et put intercepter l'attaque avec son épée. Le garde la regarda fixement. Dans un souffle qui montra qu'il venait de courir longtemps, il lança : "Où est l'hybride ?". La mercenaire resta interdite quelques instants. Quoi, il ne savait pas où était le marchand d'armes ? Pourtant, c'était bien lui qui le poursuivait, non ? Quel incapable ! Maintenant, elle se retrouvait tout seule à l'intersection de la rue sans aucune idée de l'endroit où le garçon était parti... Sunaï ne prit pas la peine de répondre, de toute façon, ils eurent la réponse de suite : la jeune femme venait de lever la tête, et de croiser le regard de quelqu'un qui était perché sur un toit...