Trouvaille dans les mines d'or [Vincent Valentine, Sunaï]

Sunaï marchait dans les profondeurs des mines, dans le Dagorah, en mission. La poussière lui piquait le nez et l'obscurité ne l'aidait pas à voir. Pour l'instant, elle avait pu éviter toute rencontre, se cachant lorsqu'elle croisait des gens. Elle avait pu voir plusieurs travailleurs avec leurs pioches, qui creusaient la roche avec force. Elle s'était rendue dans les profondeurs pour pouvoir faire sa mission, en passant par ce qu'on appelait la "fournaise". Il y régnait une chaleur suffocante, mais elle n'avait pas été gênante pour Sunaï, qui contrôlait le feu et était donc insensible à la chaleur.
Elle toussa. Elle commençait à s'ennuyer. Pour l'instant, elle n'avait trouvé que quelques pierres, et cela ne lui convenait pas. Il fallait qu'elle en trouve plus, et, normalement, les profondeurs devraient lui être d'une grande aide. Elle repensa à l'homme qui lui avait confié cette mission. Il l'avait interceptée à la fin de son entrainement...




De la sueur et un souffle sacadé... Des coups d'épées puissants et tranchants, puis des gouttes d'eau pour assaisonner le tout. Voilà en quoi consistait l'entrainement de Sunaï depuis quelques heures. Depuis le début de la matinée, elle s'exerçait à l'épée sur des arbres aux alentours de quelques maisons. Ces malheureux étaient désormais complètement tailladés, tranchés en deux ou brûlés vif. La légère averse qui tombait depuis près d'une heure trempait Sunaï jusqu'à l'os mais elle ne s'en souciait pas, se rendant compte de ce qu'il se passait autour d'elle qu'à moitié. Elle avait seulement conscience de ses membres épuisés par l'effort et de son épée qui fendait l'air en sifflant. Ce matin-là, Sunaï s'était surpassée pour combler ses derniers entrainements loupés à cause de ses moments passés dans la cité d'Eden où elle n'avait fait que visiter ou se balader. Mais elle ne regrettait pas ces dernières journées, elle avait passé de bons moments ! Elle avait rencontré quelques brigands vaniteux au passage, mais ce n'était pas la première fois que cela lui arrivait, ces gens-là pullulaient dans les grandes villes comme des mouches volant autour d'un morceau de viande pourrie.
Après un dernier coup et un dernier souffle, Sunaï planta son épée dans le sol et s'y appuya, tout en se passant le poignet sur le front pour enlever la sueur dûe à l'effort. La journée était à son commencement : le soleil se levait à l'horizon et laissait ses premiers rayons éclairer les terres. Sunaï souffla. Elle allait devoir rentrer ; elle était mouillée de partout à cause de la pluie. La possibilité de se sécher grâce à ses pouvoirs lui traversa l'esprit mais, l'eau tombant toujours du ciel, elle serait ruisselante seulement deux minutes après. Sunaï abandonna alors cette perspective et commença sa marche vers le village pour aller se laver dans l'auberge où elle avait passé la dernière nuit. Bientôt, elle pensait partir pour aller faire un petit tour vers les Ruines de Crystal, où elle n'était allée qu'une seule et unique fois. La mercenaire n'y avait d'ailleurs pas vu grand chose, puisqu'elle avait dû repartir dès son arrivée en raison du mauvais temps. Ces ruines la fascinaient : le fait qu'une ville peuplée de nombreux et puissant mages ait existé lui faisait un drôle d'effet.
La lumière montante du soleil sortit Sunaï de ses pensées et la fit partir en direction du village. Pourtant, elle ne put pas aller bien loin ; à peine avait-elle fait quelques pas qu'une dague acérée vint se planter dans l'arbre à sa gauche, la ratant de près. Sunaï, par reflexe, se tourna aussi vite que l'éclair et scruta les environs. Un bruissement se fit entendre dans un buisson puis une autre dague fendit l'air en direction de Sunaï. Celle-ci évita l'arme en se demandant qui pouvait bien l'attaquer de la sorte. Elle ne se rappelait pas avoir énervé quelqu'un ces derniers jours. Son épée en main, elle fonça sur le buisson d'où la dague était sortie mais ne trouva rien. Elle entendit alors du bruit derrière elle, un sifflement d'air et... bang!, un bruit assourdissant. Sunaï venait de se retourner et, grâce à sa vitesse, avait intercepté une lame qui fonçait sur elle avec sa propre épée. Elle était maintenant face à face avec son adversaire, qui était masqué, tous deux faisant pression sur leur arme. La mercenaire lança l'offensive en essayant d'atteindre le flanc de son adversaire, mais il était rapide et intercepta sa tentative. Leur duel dura quelques minutes. Sunaï se rendit vite compte qu'elle avait l'avantage, la personne en face d'elle fatiguait vite et devenait de plus en plus lent à parer ses attaques. Alors, une fois que Sunaï l'ait désarmé, elle pointa son arme sur son cou.

- Arrêtez !

C'était une voix d'homme. Il était essouflé et avait du mal à parler. Sunaï, fatiguée par ce combat et son entrainement du matin, garda son épée pointée sur la gorge de son ennemi. Celui-ci enleva alors son masque et reprit son souffle. Il devait avoir dans les trente ans.

- Arrêtez, je veux vous parler. Je ne voulais pas vous faire du mal.

Sunaï ricana. Ne pas lui faire du mal ? Il se payait sa tête ?

- Vous m'avez délibérement attaquée, et vous ne voulez pas me faire de mal. Laissez-moi rire. Vous...

- Non, non ! (Il leva ses mains pour montrer qu'il ne ferait rien) On m'a dit que vous étiez une mercenaire assez douée et je voulais m'en assurer. Je ne confie pas de mission à des gens incompétents, voyez-vous. J'aime que les choses soient bien faites, surtout lorsque cela me concerne.

Il avait dit tout ça avec un sourire confiant sur les lèvres. Sunaï se redressa mais garda son épée levée sur l'homme.

- Une mission ? De quel genre ?

- C'est très simple. Je suis un marchant et je vends toutes sortes de choses. Je voudrais faire un peu plus d'affaires, et je vous demanderais d'aller dans les mines du Dagorah. Vous connaissez, je suppose ? Je voudrais que vous me rameniez de nombreuses pierres précieuses, elles ont énormément de valeur. On ne peut pas se servir là-bas, vous savez, tout est gardé pour ceux qui payent les travaux. Mais j'aimerais bien... Enfin, vous voyez.

Sunaï réfléchit à la proposition. Cela lui changerait les idées, elle n'était encore jamais allée dans ces mines.

- Et si vous voulez bien... Il se pourrait que certains de mes concurrents essaient de faire des affaires là-bas aussi. Si vous pouvez les faire "disparaître"...

La mercenaire rangea son épée dans son fourreau et regarda le marchand se lever.

- Je veux bien m'occuper de cette mission. Mais je ne tuerai pas vos "concurrents", je ne tue personne si je n'ai pas une bonne raison pour ça.

- Pourtant cela ne vous serait pas très difficile...

- Là n'est pas la question. Je refuse de les assassiner. Si cela ne vous convient pas, vous pouvez aller chercher quelqu'un d'autre...

L'homme sembla se réveiller.

- Non, non ! C'est bon, je vous laisse l'affaire. Voici l'adresse où je vis (il lui tendit un morceau de papier), revenez lorsque vous aurez terminé. En attendant, j'espère que vous réussirez... Je n'aime pas les échecs, je vous préviens.

- Ne vous inquiétez pas pour ça.



Désormais, Sunaï était dans ces mines. Le marchand lui avait indiqué que plus on allait en profondeur, plus on avait de chances de trouver des joyaux. La noirceur et la chaleur des lieux n'étaient pas très chaleureuses, les gens qui travaillaient là devaient beaucoup se fatiguer.
La mercenaire tourna dans une galerie menant elle ne savait où et continua sa balade puis déboucha sur une grande salle. Faisant complètement noir, elle sortit de sa paume une boule de feu et la fit voler au centre de la pièce. La lueur de la flamme tremblotait désormais sur les murs. Sunaï put alors voir que l'endroit était une sorte de gigantesque alvéole creusée dans la pierre. Les parois étaient noires comme la nuit et le sol glissant par endroits. Elle fit quelques pas lorsqu'elle remarqua que quelqu'un était déjà présent dans cette pièce de roche. La personne était au fond, debout, d'après ce que Sunaï voyait : sa petite flamme n'éclairait pas jusque-là. La mercenaire marmonna ; elle devait être vue, désormais. Elle espérait que ce n'était pas quelqu'un qui travaillait pour la mine, elle pourrait avoir des ennuis. Sunaï augmenta alors l'ampleur de sa flamme pour pouvoir voir le visage de l'inconnu.

Une main glacée se referma sur l'épaule de Sunaï puis une voix sombre retentit dans les mines. La mercenaire tourna légèrement la tête pour pouvoir apercevoir qui pouvait bien l'accoster de la sorte. Elle était sur ses gardes, subitement, et ne bougeait pas d'un pouce, la main sur son épée. Elle ne savait pas pourquoi mais elle était très méfiante. Surtout qu'elle était sûre d'avoir aperçu une silhouette en face d'elle et que, finalement, quelqu'un l'attrapait par derrière...
Sunaï se tourna finalement en entier pour voir son interlocuteur et le regarda intensément. Elle ne put pas voir grand chose de son visage à cause de son col montant mais ses yeux rouges perçants la fixaient sans ciller. Il semblait sur ses gardes lui aussi et Sunaï était persuadée qu'il guettait chacun de ses mouvements... Il avait l'air très menaçant, près à combattre.

- Vous avez un bon sens de l'observation. En effet je suis mercenaire, et je suis actuellement en mission.

Elle fit une pause, les yeux toujours fixés sur ceux de l'homme.

- Mais je n'ai nullement l'intention de vous tuer, je ne sais d'ailleurs pas qui vous pouvez bien être.

Sunaï continua à rester debout devant lui, sans un geste. Elle ne sentait rien de bon de la part de cet homme, rien de bon. La simple façon dont il l'avait menaçée en insinuant qu'il la tuerait aussi facilement qu'une bête sans défense montrait déjà une grande confiance en soi... Sunaï n'avait pas l'intention de se battre, mais s'il faisait quoi que ce soit de suspect, elle se défendrait. Elle n'était pas devenue mercenaire sans expérience ; elle s'entainait à combattre et à maîtriser son pouvoir depuis le plus jeune âge. Ce n'était pas un inconnu de la sorte qui lui ferait peur... Pourtant, Sunaï était en alerte, ses sens aux aguets. Elle savait reconnaître quelqu'un qui savait se battre et quelqu'un qui faisait semblant... Et cet homme-là dégageait une impression de force, avec ses deux armes à feu que l'on pouvait apercevoir, et ses yeux rouges qui lui donnaient un air vampirique. Il était dangereux... Très dangereux. Elle ne connaissait pas ses intentions mais supposait qu'il pouvait avoir de sombres objectifs... Enfin, elle pouvait parler, elle qui avait pour seul but de retrouver un démon qui pouvait être n'importe où. Mais elle avait un mauvais pressentiment.

- Si ce n'est pas indiscret... Puis-je savoir ce que vous faites ici ?

La mercenaire venait de penser à ce que lui avait dit son "employeur" avant de l'envoyer dans les mines. Faire "disparaître" ses concurrents. Bien que Sunaï doutait que l'homme aux armes à feu soit un concurrent. En tout cas, elle n'avait pas l'intention de l'attaquer. Et même si elle en avait l'intention, elle ne serait pas aussi stupide pour l'attaquer à cet instant, quand il regardait tout ses faits et gestes. La main toujours sur son arme, elle attendit sa réponse, faisant apparaître une nouvelle boule de feu dans sa main, pour mieux voir son interlocuteur...

Sunaï était restée stoïque lorsque l'homme avait aspiré sa boule de feu. Il avait l'air de vouloir absolument contrôler la situation. Il était vraiment très spécial, elle n'avait encore jamais rencontré quelqu'un de la sorte. La mercenaire ne fut donc pas étonnée lorsqu'elle se retrouva avec l'arme de l'homme braquée sur l'arrière de sa tête... Elle s'était même doutée qu'il ferait quelque chose dans le genre, mais ne s'était pas attendue à ce qu'il agisse si vite. Sunaï n'apprécia pas du tout ce comportement, mais resta calme et impassible. Elle réprima un rire mesquin avant de répondre, le regard fixé devant elle.

- Quelle audace ! C'est bien la première fois que l'on me menace de la sorte. Vous n'avez peur de rien, à ce que je vois.

Elle sourit pour elle-même.

- Je pense que je me suis faite mal comprendre. Ne vous ai-je pas dit à l'instant que je ne vous veux aucun mal ? Mage de Crystal ou non, je ne vois pas en quoi cela changerai quoi que ce soit. Pensez-vous vraiment que si j'avais l'intention de vous tuer, je me serai promenée sans protection supplémentaire dans ces mines ? Et puis... Ma mission ? Il ne servirait à rien que je vous donne des détails, ce n'est pas intéressant, enfin pas pour vous en tout cas... Et, comme vous en avez fait la remarque plus tôt pour moi, cela ne vous regarde vraiment pas.

Sunaï fit une pause, écoutant la respiration du mage derrière elle. Pour l'instant, il se contentait d'écouter. La colère commençait à monter en la mercenaire, elle n'appréciait pas du tout être traitée de cette façon. Il croyait vraiment qu'elle ne savait pas se défendre ?
Sunaï se concentra sur son pouvoir silencieusement. Sa température corporelle augmenta légèrement mais cela ne la dérangea pas le moins du monde. Comment pourrait-elle contrôler le feu si elle ne supportait pas la chaleur, de toute façon ?
Désormais prête, elle se tourna lentement mais sûrement. Elle savait bien que le mage de Crystal n'aurait aucune hésitation à lui tirer une balle dans la tête, mais elle avait tout prévu, par simple précaution. Même s'il tirait, cela ne l'attendrait pas. Enfin, normalement. Comme pour ironiser les propos du mage, elle fit des mouvements lents et non brusques. Enfin, lorsqu'elle put à nouveau regarder l'homme dans les yeux, elle lança sèchement :

- Je trouve votre proposition complètement déplacée. Certes je ne nie pas que vous pourriez m'être d'une aide précieuse, mais accepter l'aide d'un inconnu qui me menace avec des airs supérieurs n'est pas vraiment dans mes habitudes. D'ailleurs, je ne sais même pas ce que vous valez... Un mage de Crystal, dîtes-vous ? Rare sont les survivants de cette ancienne cité, vous êtes le premier que je rencontre qui se prétend être un de ses anciens habitants.

Sunaï sourit d'un air entendu. Inconsciemment, elle l'avait provoqué, même si elle savait que cet homme était très puissant. Il semblait avoir une grande force, et lesdits mages de Crystal n'étaient en effet pas innofensifs...

- De toute façon, quel serait votre intérêt à apporter votre aide à une mercenaire ? Qu'attendez-vous en retour ?

La mercenaire attendait la réponse du mage, toujours sur le qui-vive. S'il l'attaquait... Elle ne s'enfuirait pas. Mais pour l'instant, elle voulait entendre ce qu'il avait à lui dire...

Lorsque le mage claqua des doigts, une vague de flammes sortit des orbes qui étaient disposés tout autour de la salle. Sunaï n'avait pas vraiment fait attention à ces boules de feu et s'en voulu d'avoir été aussi stupide. Plus la vague se dirigeait vers eux, plus elle augmentait en intensité. Sunaï se prépara à subir mais l'attaque mais n'avait pas peur ; le mage n'avait-il pas remarqué qu'elle-même contrôlait le feu ? Elle était également rapide, à la fois d'esprit et de corps, et savait ce qu'il convenait de faire. La vague enflammée était désormais à quelques mètres et Sunaï pouvait en sentir la chaleur. Le mage s'était enveloppé dans sa cape et n'avait pas l'air de vouloir faire autre chose. La mercenaire tenta alors quelque chose à ce moment précis, juste avant que les flammes ne l'atteignent. Elle ne prit pas le temps de regarder si elle avait réussi son coup et se préocuppa des flammes. Elle tendit les bras, paumes ouvertes en direction du feu, et, dans un bruit de tempête déchainée, aspira les flammes comme un tourbillon engloutirait un vaisseau en pleine mer. L'attaque du mage avait été puissante, mais pas assez pour la mercenaire ; le feu était son point fort. Désormais, l'obscurité était revenue dans la pièce, mais cela ne dura pas longtemps ; une autre arrivée de flamme éclaira les lieux. Cette fois-ci, ce n'était pas un feu ordinaire, sans forme, mais un phénix enflammé gigantesque. Sunaï se demanda si c'était une simple invocation de son pouvoir de la part du mage ou s'il s'était lui-même transformé en ce phénix de feu. L'oiseau cracha une gerbe de feu en sa direction puis battit des ailes, lançant d'autres boules de chaleur. La jeune femme répéta le même geste qu'elle avait fait plus tôt pour pouvoir aspirer les flammes, elle ne voulait pas user de ses forces innutilement. Si un réel combat devait venir, elle devait être en pleine forme... En englouissant une sphère de flammes, Sunaï vit avec surprise qu'une autre boule de feu se séparait en deux pour l'atteindre. Elle changea brusquement de position et referma ses deux mains sur les sphères, comme si elle voulait les attraper, mais bien sûr, elles se volatilisèrent dans un claquement sec. Toutes ces flammes qui avaient été lancées dans sa direction avaient créé un brasier gigantesque sur le sol, qui était maintenant fondu par endroit, faisant apparaître du brouillard à cause de l'humidité de la salle de pierre. Sunaï aperçu la silhouette du mage de Crystal à travers la brume, elle se demandait s'il la voyait. L'homme lui parla à travers le fracas que faisait encore le feu en crépitant sur le sol et lui assura que ceci n'était que le dixième de sa force. La mercenaire sourit de dédain. Décidément, ce n'était pas la modestie qui lui manquait, à celui-là !
Sunaï, qui, juste avant que la vague enflammée ne l'atteigne, avait lancé son épée du côté de l'homme pour qu'elle s'enfonce dans le mur, fit un bond en passant les flammes, prenant soin à rester à l'abris du regard du mage grâce au brouillard. Elle était presque sûre qu'il n'avait pas vu son arme, de toute façon il s'était enveloppé de sa cape au moment où elle l'avait lancée. Une fois arrivée devant la paroi de la pièce, elle attrapa la garde de son épée le plus vite possible et se jeta dans le dos de son adversaire. Elle lui donna un coup de pied sur le flanc de façon à ce qu'il tombe par terre sur le dos, et lui posa la lame de son épée sur la gorge après avoir abaissé son col. La jeune femme y découvrit un sourire.

- Alors ? Pensez-vous toujours que je ne puisse pas me défendre ?

Sunaï savait très bien que le mage pouvait à tout instant contre-attaquer, il n'était pas stupide à ce point-là pour rester là à rien faire. Il aurait très bien pu parer son attaque lorsqu'elle lui avait donné son fameux coup de pied sur le flanc mais il n'avait rien fait. Avec un sourire, la mecenaire relâcha légèrement la pression qu'elle faisait sur la gorge de son adversaire.

- Je ne peux que constater que vous avez une grande force, en effet. La rumeur sur ces magiciens de Crystal était donc vraie.

La jeune femme réfléchit très vite. L'aide de cet homme ne lui serait pas de refus, elle pourrait beaucoup plus facilement pénétrer dans l'enceinte des démons avec un mage de Crystal comme allié. Mais elle était très méfiante. Qu'est-ce qui lui garantissait qu'il ne tenterait pas de l'éliminer une fois qu'elle l'aurait aidé à sa façon ? Sa manie à vouloir éliminer les témoins était préoccupante... Cependant, Sunaï ne s'en préocupa pas plus que ça. Ce moment n'était pas encore arrivé, et puis, elle n'était pas encore convaincue sur le fait de collaborer avec cet homme. La mercenaire fit alors un geste étonnant. Elle se releva et enleva son épée de la gorge du mage et la rangea dans son fourreau.

- Je ne suis ici que pour une simple mission ; rapporter des joyaux à un marchand qui n'est pas assez intelligent pour réussir ses affaires lui-même. Je ne souhaite pas me battre avec vous, et encore moins me faire un ennemi. Votre proposition de m'aider est intéressante. Mais... Pourrais-je savoir en quoi, moi, je vous serai utile ? Je ne voudrai pas m'enrôler dans des affaires douteuses ni dans des affaires dont je ne connais pas la vue principale...

Sunaï regarda le mage dans les yeux.

- Je ne vous demande pas de me confier votre but exact, mais je préfère savoir avec quel genre de personne je collabore avant d'accepter une telle proposition, vous voyez ? Ensuite seulement, je déciderai de ce que je fais ou non... Et... puis-je savoir quel est votre nom ? Vous êtes quelqu'un qui est plutôt... intriguant...

La mercenaire jouait avec du feu dans sa main en attendant la suite des événements. Elle espérait que le mage n'allait pas l'attaquer une nouvelle fois, elle en avait assez de jouer au chat et à la souris. Allait-il être d'accord de parler "pacifiquement", désormais ?

Sunaï était retenue par des mains de ténébres ; ce qui lui donnait une sensation très désagréable. C'étaient des mains à la fois immatérielles et matérielles, elles ne la tenaient pas vraiment mais la tenaient. C'était une drôle d'impression, très dérangeant, comme si cela démangeait subitement à l'endroit où les ténébres étaient posés. Mais Sunaï n'y faisait pas attention, se sentant ailleurs. Elle n'essayait même pas de se dégager. Elle se sentait bizarre. C'était la première fois, la première fois... qu'elle ressentait une telle rage envers quelqu'un. La seule personne qui s'était atribuée cette colère n'en était même pas une, c'était un stupide démon qui n'était même pas humain. Etrangement vide, Sunaï ne sentit même pas que les ténèbres relâchaient leur pression pour disparaître dans le noir. Elle entendit à peine les paroles du mage qui résonnèrent dans les mines, ne chercha pas à les comprendre. Ecoutant d'un air distrait les pas de l'homme qui s'éloignait, Sunaï s'agenouilla et contempla les débrits de son épée sur le sol. Elle ne pensa même pas à poursuivre le mage pour lui faire payer ça, cette humiliation. De toute façon, elle savait bien qu'elle n'avait aucune chance face à lui, le magicien de Crystal était bien trop puissant. La mercenaire savait bien que des personnes puissantes parcouraient le monde, des personnes beaucoup plus puissantes qu'elle, mais elle n'avait jamais vraiment réalisé à quel point elle pouvait paraître faible par rapport à certains. Chassant ces idées de sa tête, elle ramassa la garde de son épée. La lame qui devait suivre était brisée en plusieurs morceaux gisant sur le sol et le restant de la lame était cassée, presque au niveau de la base. L'arme semblait avoir perdu de sa splendeur, tout à coup. Sunaï tenait beaucoup à cette épée, elle avait appartenue à son père, assassiné par un démon depuis maintenant quatorze ans. La colère augmenta légèrement sa température corporelle mais elle entreprit de se calmer. La jeune femme avait particulièrement envie de détruire tout ce qui se trouvait autour d'elle. Mais de toute façon, il n'y avait rien, autour d'elle, seulement les parois des mines...
Respirant un bon coup, elle entreprit de ranger les débrits de son épée dans sa sacoche - il y avait désormais largement la place pour les morceaux. Songeant qu'une fois rentrée à Eden, dans l'auberge où elle logeait pour le moment, il lui faudrait se renseigner sur de possibles forgerons. La mercenaire n'avait pas dit son dernier mot et était sûre que son épée était réparable. Sunaï se leva et reparti. Elle avait l'intention de sortir de ces mines le plus vite possible, mais pas avant d'avoir mené sa mission à bien. Il lui fallait trouver beaucoup plus de joyaux pour les ramener au vendeur. Marchand d'un pas pressé, elle sortit de la salle où elle avait rencontré le mage et partit au hasard dans les galeries. En chemin, elle tomba sur quelques rubis et émeraudes incrustés dans les murs. Mais ce n'était pas assez. Oh, elle doutait que le marchand qui lui avait confié cette mission serait sûrement très heureux du butin qu'elle avait amassé, mais elle pouvait trouver plus de pierres. Elle continua à déambuler au hasard dans les mines, l'esprit étrangement lent à analyser ce qui l'entourait. L'attaque du mage et la destruction de son arme l'avaient rendue amorphe. Après quelques minutes - ou dizaines de minutes, Sunaï ne savait pas vraiment -, elle atterit dans un salle de cristal. Un clapotis lui apprit qu'un point d'eau devait se trouver dans la salle, mais elle ne s'en occupa pas, intéressant son regard sur des milliers de lueurs qui scintillaient sur le sol, les murs, le plafond. D'innombrables pierres précieuses brillaient dans l'obscruité, comme animée d'une énergie qui leur était propre. Soulagée de savoir qu'elle allait bientôt finir sa mission, la mercenaire avança dans la pièce. Pour pouvoir voir où elle allait, Sunaï généra une nouvelle boule de feu au creux de sa main. Une silhouette, agenouillée au bord de ce qui devait être un petit lac souterrain, attira le regard de la jeune femme. Ses sens redevinrent alors perçants, aiguisés ; elle sortit de sa léthargie en un éclair. Désormais, elle entendait distinctement le bruit de l'eau, sa propre respiration, le joli bruit que produisait les joyaux, toujours aussi brillants... La personne la regardait, la lueur de la flamme ayant attiré son regard. Sunaï reconnu son visage plissa les yeux.

- Encore vous !

La seul présence du mage ramena sa rage en elle à une vitesse impressionante. D'un geste machinal, elle posa la main sur la garde de son épée, au cas-où, mais se rendit compte qu'elle n'y était plus. Sunaï émit une sorte de grognement et regarda le mage brièvement. Surmontant sa colère, restant calme, elle détourna le regard. Sa seule envie était de déserter les lieux pour ne plus avoir cet homme sous le nez. Résistant à l'idée de rebrousser chemin, Sunaï s'avança vers les murs pour se servir de pierres. Au moins, avec tout ça, elle pourrait rentrer plus vite que prévu ! Ignorant si le mage se préoccupait d'elle, elle lui tourna le dos. Bien que cette initiative ne lui plaisait pas - ne jamais tourner le dos à un ennemi était une règle primordiale -, elle n'allait pas continuer à le surveiller comme une idiote. En se servant de joyaux, elle lança :

- Ne vous avisez pas de m'attaquer, je ne ferai rien. Je sais me montrer raisonnable. Et je n'ai pas envie de continuer à jeter de l'huile sur le feu. Merci bien.

Elle ajouta ces derniers mots plus sèchement qu'elle ne l'aurait souhaité mais ne s'en formalisa pas. Remplissant son sac à vue d'oeil, elle ne jeta pas un regard au mage de Crystal. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était qu'il la laisse tranquille.

Pendant qu'elle arrachait quelques saphirs du mur - d'ailleurs, certains lui donnant quelques difficultés, elle était parfois obligée de faire fondre la pierre où ils étaient incrustés -, Sunaï ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil vers le mage. Une image qui la surprit resta alors devant ses yeux : un homme face contre terre, les paumes posées sur le sol, un regard triste, fatigué, sur le visage. La mercenaire se demanda ce qui pouvait bien lui faire changer d'humeur aussi brusquement. Sa colère s'aténua légèrement. Etait-ce elle qui le fatiguait ? Sa seule présence suffisait-elle à ce qu'il réagisse de cette façon ? Cependant, Sunaï en doutait. Elle ne voyait pas en quoi elle pouvait bien lui donner un tel accès de tristesse. Elle était pratiquement sûre, de toute façon, d'après ce qu'elle avait vu, qu'il n'était pas du genre à être influencé par de simples paroles ou quoi que ce soit d'autre. Enfin... elle ne le connaissait pas, après tout. Après ces quelques réflexions, Sunaï reporta son attention aux joyaux. Le sac qu'elle avait apporté spécialement pour récolter les pierres était désormais à moitié plein. Elle commençait à être satisfaite de sa récolte. Après avoir arraché un rubis de l'emprise de la caverne, la mercenaire entendit brusquement un coup de feu qui retentit avec force dans la salle. Elle fit volte-face, aussi vite que son corps le lui permettait. Alors, il avait décidé de l'abattre, finalement ? pensa-t-elle avec colère. Avant que la jeune femme ne fasse quoi que ce soit, la balle se divisa en plusieurs lumières qui s'abbatirent chacune sur une pierre précieuse. Alors, tous les joyaux touchés tombèrent sur le sol dans une multitude de bruits cristallins, résonnant dans la pièce presque vide. Sunaï ne sut que faire. Le mage la prenait au dépourvu, décidemment. Tout d'abord, il l'attaquait férocement sans raison particulière, puis maintenant, il l'aidait ? Rien de tout ça n'était logique, rien du tout... Elle entreprit alors de ramasser les pierres sans rien dire pendant que le mage repartait vers le lac. La dernière émeraude en main, Sunaï se redressa et observa la surface de l'eau... qui n'en était plus une. Soudainement, elle se figea, sa respiration s'accéléra. Un bruit de cristal retentit alors, c'était le bruit qu'avait fait l'émeraude en tombant sur le sol, l'émeraude que Sunaï tenait en main quelques instants auparavant... Voyait-elle correctement ? Le mage venait de faire apparaître une image, un village en ruine précisément, mais pas n'importe quel village... La respiration saccadée, les pas de la mercenaire résonnaient sur le sol tandis qu'elle se rapprochait de la surface de l'eau pour mieux observer ce qu'elle voyait. La désolation d'Escalon... Elle n'était jamais allée là-bas, elle ne connaissait le lieu de vue que grâce aux peintures de voyageurs qui revenaient de cet endroit, boulversés. Pourtant, son village natal ne se trouvait pas loin de ce lieu, les démons avaient probablement décidé de saccager les alentours au passage. Mais la jeune femme n'y était encore jamais allée, peut-être n'avait-elle pas eu le courage...? Ne se retenant plus, elle demanda :

- Vous connaissez cet endroit ? Êtes-vous déjà allé là-bas ?

Un village complètement rasé par les démons assoiffés de sang, décidés simplement par leurs instincts, voilà ce qu'était Escalon. Il n'y avait pas de survivants, à sa connaissance. La colère remonta aussi vite qu'elle était partie en Sunaï, mais cette fois-ci, le mage n'avait aucune responsabilité dans cet accès de rage. La mercenaire, dont le but était de retrouver l'auteur des assassinats de ses parents, allait devoir passer par Escalon pour pénétrer, un jour, dans le royaume des démons. Ce mage de Crystal avait l'air de connaître l'endroit, cela pourrait lui être d'une grande aide si il lui donnait quelques renseignements. Sunaï n'avait pas l'intention d'y aller sous peu, mais elle irait bien un jour, et toutes les précautions nécessaires seront à prendre.
S'énervant elle-même par le fait qu'elle était obligée de demander des informations au mage qui l'avait "mise au tapis" une vingtaine de minutes plus tôt, Sunaï tapa dans un caillou, légèrement mal à l'aise. Celui-ci voltigea pour atterir dans le lac et troubler l'image de la désolation d'Escalon dans une multitude de vibrations.

- Avez-vous l'intention de faire quelque chose dans cet endroit ?

Sunaï avait de l'audace pour demander cela, mais sa curiosité était montée en flèche. Tout ce qui touchait de près ou de loin les démons l'intéressait...

Après quelques paroles plutôt sympathiques - par rapport au comportement du mage que Sunaï avait pu observer dans la soirée -, Vincent disparu dans l'ombre de sa cape et laissa la mercenaire seule dans les mines. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il prenne congé aussi vite, mais après tout il avait probablement fini ce qu'il devait faire des les profondeurs du Dagorah. Elle aussi, avait pratiquement terminé sa mission ; plus que quelques joyaux et elle pourrait partir. Pensive, elle attrapa l'émeraude qu'elle avait faite tomber quelques minutes avant et la laissa tomber dans son sac. Avoir vu la désolation d'Escalon avait ravivé ses souvenirs et ses objectifs, qu'elle avait quelque peu laissés de côtés en ce moment, car elle n'avait pas encore trouvé de moyen pour pénétrer dans le royaume des démons. Elle était donc restée à Eden pour visiter un peu Noerphilie, tout en gardant ses objectifs en vue bien sûr, retenant n'importe quelle information qui pouvait avoir un rapport avec les démons. Mais n'ayant rien trouvé d'intéressant, elle avait profité de la bonne ambiance de la ville et s'était occupée. Bien sûr, elle pourrait aller dans l'enceinte des démons, mais elle n'était pas suicidaire à ce point : elle n'était pas sûre qu'ils la laissent passer tranquillement, surtout si elle était à la recherche d'un des leurs pour le tuer. Non, il lui fallait de l'aide, qu'elle provienne de quelqu'un ou d'un quelconque objet magique.
Sunaï, une fois satisfaite de sa mission, attrapa son sac et se mit en route vers la sortie des mines. La jeune femme avait même pris quelques pierres pour son bénéfice personnel, un peu d'argent ne lui serait pas de refus. Elle fit bien attention à ne croiser personne, voulant sortir au plus vite. Ne remarquant pas qu'un drôle de phénomène se passait en ce moment même dans sa sacoche, avec les débris de son épée et les quelques joyaux qu'elle avait rangés pour elle...



- Voilà pour vous.

Sunaï venait de rentrer en ville et avait lancé le sac de pierres précieuses sur une table, devant le marchand qui lui avait confié une mission. Visiblement, il n'arrivait pas à cacher son contentement.

- Si vite ? Vous être remarquable, vraiment ! Tenez, voilà, votre argent. Je...

Il continua à parler mais Sunaï ne l'écouta pas. Elle prit son dû et interrompit le marchant en disant qu'elle devait partir, elle voulait rester tranquille pour le reste de la soirée. Elle voulait réfléchir, surtout. Se dirigeant vers une auberge, elle ne put s'empêcher de sourire en pensant au mage qu'elle avait rencontré. Vincent Valentine... Oui, elle s'en souviendrait...